Pertes de démarrage : Les coûts de flagship store incombent à l’entrepreneur principal et non à la filiale de distribution (CE, 23 novembre 2020 , n° 425577, Sté Ferragamo France)

Dans le secteur de la mode et du luxe nombreux sont les groupes internationaux recherchant une implantation en France, voire l’ouverture d’un flagship store.

La conquête du marché français ou européen suppose l’engagement d’investissements parfois très conséquents (Publicité, force de vente, emplacements commerciaux etc…).

Dans ce cadre, il est fréquent que ces frais de démarrage soient en tout ou partie supportés par la filiale de distribution locale.

Conformément aux règles OCDE[1], l’administration fiscale reconnait qu’une société de distribution peut alors accuser des pertes pendant sa phase de pénétration de marché.

Toutefois, si cette phase de pénétration de marché est trop longue ou les investissements trop couteux, elle peut faire valoir que la prise en charge des investissements incombe à la tête du groupe propriétaire de la marque.

Le Conseil d’Etat, à l’encontre des décisions du tribunal administratif et de la cour administrative d’appel de Paris[2] donne son aval à cette approche qui permet au fisc de rectifier les résultats déclarés en France.

Dans cette affaire Ferragamo, entreprise italienne de chaussures de luxe créée en 1928 à Florence par Salvatore Ferragamo, a entrepris de partir à la conquête du marché français.

Dans le cadre de son développement, la filiale de distribution française créée en 1992, va supporter des pertes jusqu’en 2009.

Toutefois, alors que sans changer de politique de prix de transfert la filiale française commençait à dégager des bénéfices, l’administration a réussi à remettre en cause cette politique en montrant que le montant des salaires et charges externes de la structure de 2005 à 2010, notamment à raison du recours à un personnel de vente particulièrement qualifié et de la location de locaux commerciaux prestigieux, était sensiblement supérieur à celui des entreprises comparables » indépendantes « , sans que ce surcroît de charges ne soit entièrement compensé par un niveau de marge brute plus important que celui des comparables .

Le juge a en effet considéré que les dépenses visaient à accroître, sur un marché stratégique dans le domaine du luxe, la valeur de la marque italienne qui n’avait pas encore la même notoriété que ses concurrents directs. Ces dépenses incombent donc au propriétaire de la marque.

Bien que tel ne semble pas avoir été le cas pour FERRAGAMO France, une telle approche peut conduire l’administration fiscale, non seulement à remettre en cause les résultats dégagés sur la période vérifiée, mais également remettre en cause les déficits antérieurs..

De plus dans la pratique, la mise en œuvre des rectifications par l’administration est souvent extrêmement simple, voire simpliste.

Après avoir procédé à une analyse fonctionnelle des entités impliquées, l’administration met en évidence que la filiale de distribution assume des fonctions et des risques limités, qu’elle n’est pas à l’origine des décisions stratégiques relatives au développement du groupe en France ou en Europe, autrement dit qu’elle n’est pas l’entrepreneur principal.

Elle fait alors valoir que sa rémunération doit être déterminée selon la méthode transactionnelle de la marge nette conduisant généralement un résultat d’exploitation représentant entre 2 et 3 % du chiffre d’affaires.

Restera à voir si le juge suit l’administration fiscale en dehors du domaine du luxe, dans des secteurs où l’implantation en France n’a pas pour objet le développement de la valeur de la marque à travers un flagship store, mais simplement le développement d’une activité de vente.

L’administration fiscale lui fera-t-elle admettre que l’implantation en France vise à tester le marché européen en lançant des magasins pilotes[3] sans véritable espoir de rentabilité pour la tête de pont ?


[1] « Des pertes récurrentes intervenues pendant une période raisonnable peuvent se justifier par une stratégie commerciale consistant à fixer les prix à un niveau particulièrement bas en vue de pénétrer un marché ou d’accroitre les bénéfices à long-terme » (Rapport OCDE paragraphe 1.131)

[2] CAA de PARIS, 9ème chambre, 27/09/2018, 17PA02617, Inédit au recueil Lebon

[3] Selon une chronique de Franck Gintrand (Institut des territoires) de fin 2016, le développement massif des enseignes étrangères en France serait lié à la nature du marché français, mature et équilibré, souvent présenté comme un bon test d’entrée sur le marché européen avantagé par une région capitale, l’Ile-de-France, représentant un bassin de consommation sans équivalent sur le continent, idéal pour le lancement de magasins pilotes.

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Le Country by Country Report français censuré par le Conseil constitutionnel

Le Country by Country Report français censuré par le Conseil constitutionnel

Dans le cadre du projet BEPS , il avait été adopté  un nouvel article 223 quinquies C du CGI obligeant les entreprises réalisant un chiffre d’affaires mondial consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros de déposer une déclaration pays par pays destinée à faciliter le contrôle des prix de transfert, comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l’activité des entités.

Le Conseil constitutionnel dans sa  décision 2016-741 DC du 8 décembre 2016 retient que l’obligation de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays est de nature à permettre notamment aux concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale.

Une telle obligation induit donc une atteinte à la liberté d’entreprendre manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Par conséquent, le paragraphe I de l’article 137 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de l’économie a été déclaré contraire  à la Constitution. Le Country by Country Report (CBCR) français se trouve donc censuré.

 

Déclaration relative à la politique de prix de transfert – Comment remplir le formulaire n°2257 ?

Une politique de prix de transfert peut reposer sur l’utilisation de plusieurs méthodes pour un même nature de transaction (ex : ventes). En effet, le choix de la méthode résulte normalement pour chaque transaction d’une analyse des fonctions et des risques et de la disponibilité de comparables. Il y a par exemple des différences significatives entre la vente de produits finis, celle de produits semi-finis ou encore celle de composants ou matériaux. Le prix de vente de produits finis pourra par exemple être déterminé par l’application du prix de revente minoré (Resale Less), celui des produits  semi-finis pourra découler d’une méthode de prix majoré (Cost Plus) et celui de composants pourra être déterminé à partir des prix comparables (CUP).

La multiplicité des méthodes pourra également résulter d’une répartition des fonctions et des risques différentes d’une transaction à l’autre (R&D, marketing etc…).

La version papier du formulaire n° 2257 permettra de cocher plusieurs cases indiquant les méthodes appliquées, mais le formulaire TDFC n’offre pas cette possibilité.

Il est alors possible,

Soit de désigner la méthode principale pour le type de transaction, c’est-à-dire la méthode principale pour le flux le plus importante,

Soit de cocher la colonne (12) « Autres méthodes » et décrire de façon synthétique, les autres méthodes dans le cadre « Activité de la société déclarante » (14). (Bien que cette case vise normalement les méthodes atypiques.)

Soit de procéder comme l’année dernière en cas de multiplicité de pays c’est-à-dire en complétant les informations relatives aux méthodes utilisées via une annexe libre, dans laquelle on reprendra toutes les informations de la ligne.

La première solution est assurément la plus simple et donc la meilleure.

Le Country by Country Report français censuré par le Conseil constitutionnel

Dans le cadre du projet BEPS , il avait été adopté  un nouvel article 223 quinquies C du CGI obligeant les entreprises réalisant un chiffre d’affaires mondial consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros de déposer une déclaration pays par pays destinée à faciliter le contrôle des prix de transfert, comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l’activité des entités.

Le Conseil constitutionnel dans sa  décision 2016-741 DC du 8 décembre 2016 retient que l’obligation de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays est de nature à permettre notamment aux concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale.
Une telle obligation induit donc une atteinte à la liberté d’entreprendre manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Par conséquent, le paragraphe I de l’article 137 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de l’économie a été déclaré contraire  à la Constitution. Le Country by Country Report (CBCR) français se trouve donc censuré.

 

 

 

Le Country by Country Report français censuré par le Conseil constitutionnel

Le Country by Country Report français censuré par le Conseil constitutionnel

Dans le cadre du projet BEPS , il avait été adopté  un nouvel article 223 quinquies C du CGI obligeant les entreprises réalisant un chiffre d’affaires mondial consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros de déposer une déclaration pays par pays destinée à faciliter le contrôle des prix de transfert, comportant la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l’activité des entités.

Le Conseil constitutionnel dans sa  décision 2016-741 DC du 8 décembre 2016 retient que l’obligation de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays est de nature à permettre notamment aux concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale.
Une telle obligation induit donc une atteinte à la liberté d’entreprendre manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi.

Par conséquent, le paragraphe I de l’article 137 du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de l’économie a été déclaré contraire  à la Constitution. Le Country by Country Report (CBCR) français se trouve donc censuré.

 

Déclaration relative à la politique de prix de transfert – Comment remplir le formulaire n°2257 ?

Une politique de prix de transfert peut reposer sur l’utilisation de plusieurs méthodes pour un même nature de transaction (ex : ventes). En effet, le choix de la méthode résulte normalement pour chaque transaction d’une analyse des fonctions et des risques et de la disponibilité de comparables. Il y a par exemple des différences significatives entre la vente de produits finis, celle de produits semi-finis ou encore celle de composants ou matériaux. Le prix de vente de produits finis pourra par exemple être déterminé par l’application du prix de revente minoré (Resale Less), celui des produits  semi-finis pourra découler d’une méthode de prix majoré (Cost Plus) et celui de composants pourra être déterminé à partir des prix comparables (CUP).

La multiplicité des méthodes pourra également résulter d’une répartition des fonctions et des risques différentes d’une transaction à l’autre (R&D, marketing etc…).

La version papier du formulaire n° 2257 permettra de cocher plusieurs cases indiquant les méthodes appliquées, mais le formulaire TDFC n’offre pas cette possibilité.

Il est alors possible,

Soit de désigner la méthode principale pour le type de transaction, c’est-à-dire la méthode principale pour le flux le plus importante,

Soit de cocher la colonne (12) « Autres méthodes » et décrire de façon synthétique, les autres méthodes dans le cadre « Activité de la société déclarante » (14). (Bien que cette case vise normalement les méthodes atypiques.)

Soit de procéder comme l’année dernière en cas de multiplicité de pays c’est-à-dire en complétant les informations relatives aux méthodes utilisées via une annexe libre, dans laquelle on reprendra toutes les informations de la ligne.

La première solution est assurément la plus simple et donc la meilleure.

Méthode Cost Plus : Les subventions reçues doivent-elles minorer les coûts ?

CAA Versailles 11-10-2016 n° 14VE02651

Dans cette affaire l’administration fiscale française reprochait à Philips France d’avoir minoré ses prix de transfert en déduisant des coûts de R&D qu’elle devait refacturer avec une marge de 10%  à sa société sœur KPE NV les subventions qu’elle perçu au titre de ses activités de recherche.

Il est intéressant de relever que l’administration ne contestait ni la méthode utilisée ni la marge appliquée.

La rectification reposait notamment sur deux arguments

1 – Le contrat de prestation de R&D ne prévoyait pas explicitement que les subventions reçues devaient venir en déduction des coûts

2 – Une analyse de transactions comparables montre que de telles subventions ne sont pas normalement déduites.

Le TA de Montreuil (TA Montreuil, 1re ch., 1er juill. 2014, n° 1206254, SAS Philips France) avait suivi l’administration en considérant que les stipulations du contrat-cadre précité ne justifiait pas cette déduction, celles-ci indiquant que « les coûts nets relatifs aux activités de recherche supportés par la SAS Philips France sont refacturés à la société KPE NV augmentés d’une marge de 10 % tenant compte des prix du marché et des risques supportés et qu’en contrepartie, la propriété des droits incorporels qui résultent des activités de recherche réalisées par la SAS Philips France est transférée à la société KPE NV ».

Il considérait que l’administration avait établit que la société KPE NV, qui a indirectement profité de la subvention publique, a bénéficié d’un avantage de la part de la SAS Philips France, laquelle est dès lors présumée avoir réalisé, un transfert de bénéfices.

Et qu’il incombait à la SAS Philips France de prouver que ce transfert comportait une contrepartie au moins égale à l’avantage ainsi procuré.

 

Mais la cour administrative d’appel ne retient manifestement pas ce premier argument et se reporte ainsi sur le deuxième argument : l’analyse des transactions comparables.

Argument qu’il écarte sans équivoque en retenant qu’en tout état de cause les entités comparables ne sont pas indépendantes.

 

Ce qu’il faut retenir :

1 –Il faut attacher une attention particulière à la rédaction des contrats intra-groupe.

Si le contrat Philips avait prévu  que les subventions venaient en réduction des coûts, le jugement du TA aurait été défavorable à l’administration. Mais si ce contrat avait intégré un détail des coûts à prendre en compte sans faire apparaître la déduction éventuelle de subvention, il n’est pas exclu que la CAA aurait suivi l’administration sans se préoccuper des comparables.

2 – La facturation de prestation de R&D en cost + 10% est généralement admise comme un standard. La question de la déduction des subventions et notamment du CIR oppose souvent l’administration aux entreprises, mais le juge ramène cette question sur le seul terrain autorisé, celui de l’analyse de comparabilité. Cette déduction est par ailleurs explicitement prévue par certaines réglementations et notamment celle des Pays-Bas (Transfert Pricing Decree, nov. 26, 2013, IFZ 2013/184M, art. 13).

3 – L’administration fiscale française est souvent perdante sur le terrain des comparables (Cf : CE 7-11-2005 n° 266436 et 266438 – Cap Gemini ; CAA Paris 25-6-2008 n° 06-2841, Sté Novartis Groupe France SA ; CAA Versailles, 5-12-2011 n° 10VE02491, SAS Unilever ; CAA Versailles 5-5-2009 n° 08VE02411, Man et Camion Bus).

Ce n’est pas nécessairement une bonne chose, car une situation trop déséquilibré conduira nécessairement à réviser les règles du jeu avec un effet de balancier au détriment des entreprises.

Country by country reporting

The European Commission has just presented a legislative proposal for public country-by-country reporting of tax information.
- The press release: http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-1349_en.htm
- A European Commission memo: http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-16-1351_en.htm
- The text of the proposal is not yet available. Please check again the DG Taxud website for updates.

The main features of the proposal are:
All multinationals (EU and non-EU companies) with a global annual turnover exceeding € 750 million that have branches or subsidiaries in the EU would be required to publicly disclose information on:
- the nature of the group´s activities,
- the number of employees,
- the total net turnover made, which includes the turnover made with third parties as well as between companies within a group,
- the profit made before tax,
- the amount of income tax due in the country as a reason of the profits made in the current year in that country,
- the amount of tax actually paid during that year, and
- the accumulated earnings.,on an annual basis.

Reporting should also include explanations on discrepancies between the amounts of income tax actually paid and income tax accrued.
The information has to be provided for each EU member state in which the multinational operates. For non-EU countries, aggregated information may be provided.
The proposal provides for stronger transparency requirements for companies' activities in countries which do not observe international standards for good governance in the area of taxation. Reportedly, this is a last-minute addition in reaction to the controversy around “Panama Papers”. These third countries will be determined using a common EU screening process that has been announced as part of the Anti-Tax Avoidance Package of 28 January but still needs to be developed.
The information will have to be available for at least 5 years on the company´s website and in an EU business register.
Country by country reporting to tax administrations by multinationals (also applying the € 750 million turnover threshold, in accordance with the OECD BEPS 13 Recommendations) has already been proposed by the Commission on 28 January, as part of its Anti-Tax Avoidance Package. That proposal also provides for exchange of this information among member states. A political agreement on that proposal in the EU Council has already been reached on 8 March 2016.

Organisation des flux intra-groupe : attention à la présomption de transfert indirect de bénéfices

L’arrêt Grimaud rendu par la Cour Administrative d’Appel de Nantes ( CAA Nantes, 1ère Chambre, 27/01/2011, 09NT02003) donne l’occasion de souligner les risques induits par un défaut d’expertise de la politique de prix de transfert.

 Le GROUPE GRIMAUD LA CORBIERE a pour activité la sélection génétique et la production notamment de canards. Une des filiales françaises du groupe, avait pris en charge le salaire du directeur-général de sa société sœur chinoise.

 L’administration a considéré que cette prise en charge constituait un transfert indirect de bénéfice en Chine. Elle a donc rectifié les résultats imposables en France des bénéfices transférés (art. 57 du CGI) et  appliqué une retenue à la source sur les distributions ainsi constatées, la convention franco-chinoise ayant une définition « large » des dividendes.

Avant le 1er janvier 2005, l’engagement d’une procédure amiable ne permettait pas de suspendre la mise en recouvrement, l’affaire a donc été portée devant le Tribunal Administratif de Nantes.

En appel, le juge a confirmé les rectifications, considérant :

  •   en premier lieu que la prise en charge de la rémunération du dirigeant de la société chinoise par la France induisait une présomption de transfert, cette dépense incombant normalement à la société chinoise.
  •   en second lieu que la société n’apportait pas la preuve d’avoir obtenu une contrepartie à cette prise en charge.

 Le groupe GRIMAUD ne manquait pourtant pas d’arguments. Il avait mis en avant l’intérêt commercial stratégique que représentait l’implantation d’une nouvelle société en Chine et le fait que la prise en charge de la rémunération du dirigeant avait été négociée avec les partenaires locaux qui, en contrepartie, avaient accepté le paiement d’une redevance de 3 % du CA.

 Mais le juge a considéré que la société n’établissait pas que le développement de nouveaux débouchés ou la simple pérennisation de ceux existant justifiait la prise en charge de dépenses incombant normalement à la société sœur chinoise.

En outre il a estimé, d’autres sociétés étrangères du groupe versant une redevance similaire, que la redevance de 3% constituait uniquement la rémunération du transfert de technologie.

Enfonçant le clou il a relevé que la marge dégagée sur la vente de canards reproducteurs à la Chine ne couvrait pas la rémunération du dirigeant chinois supportée par la France et a écarté la position de la société visant à intégrer la redevance de savoir-faire de 3% dans la contrepartie revendiquée.

 La société avait également fait valoir, une situation déficitaire en Chine, mais sans en justifier. En tout état de cause cet argument ne permettait pas de justifier l’aide par une société sœur.

 Il semble relativement évident que la Cour s’est arqueboutée sur le principe du renversement de la charge de la preuve, au détriment de l’appréciation du respect du principe de pleine concurrence.

 Il est possible que le groupe n’ait pas suffisamment fait valoir que s’agissant d’une démarche d’implantation et de développement en Chine il fallait apprécier la contrepartie des dépenses sur les exercices qui ont suivi l’investissement et non uniquement sur la période vérifiée.

En tout état de cause, on voit mal la logique de la Cour quand elle refuse de prendre en compte la redevance de 3%, alors même qu’elle semble admettre que la marge commerciale réalisée sur la vente des produits à la filiale chinoise aurait pu constituer une contrepartie. Certes elle a considéré que cette redevance est uniquement la contrepartie du transfert de savoir-faire. Néanmoins la marge commerciale d’une entreprise est, elle-même, selon le principe de pleine concurrence, la contrepartie des fonctions et des risques assumés par la filiale française. Dès lors, s’il est admis que la possibilité de développer une activité lucrative peut constituer la contrepartie légitime d’une dépense ou d’un investissement, alors même que les bénéfices bruts ou nets de cette activité ne rémunère pas autre chose que cette activité, les redevances de savoir-faire rentrent nécessairement dans le périmètre de la contrepartie. Cette intégration aurait été d’autant plus logique que la redevance est assise sur le chiffre d’affaires et donc dépend bien du développement de l’activité en Chine.

 En définitive, le groupe GRIMAUD LA CORBIERE, paie le prix d’une trop grande simplicité dans sa politique de prix de transfert : prise en charge directe de dépenses incombant à des filiales étrangères, taux de redevance de transfert de savoir-faire commun à plusieurs sociétés du groupe et vraisemblablement forfaitaire.

Si au lieu de prendre en charge le salaire du dirigeant chinois, la société française avait réduit ses prix de vente et appliqué un taux de redevance de savoir-faire progressif, elle aurait pu obtenir un résultat équivalent. Mais la charge de la preuve d’un transfert indirect de bénéfice aurait alors incomber  à l’administration. Cette dernière n’aurait pu, en conséquence, se prévaloir des redevances ou des prix pratiqués avec les autres filiales étrangères du groupe, mais aurait dû se livrer à une analyse de comparables indépendants, dont le caractère probant aurait vraisemblement été apprécié par le juge de l’impôt avec la même empathie que celle dont il a fait preuve face aux arguments présentés par GRIMAUD LA CORBIERE.

 La sécurisation d’une politique de prix de transfert ne passe ainsi pas seulement par sa légitimité économique et commerciale, elle passe également par la prise en compte de sa perception et de sa compréhension par les administrations fiscales et par le juge de l’impôt.

Services intra-groupe et management fees : travaux du JTPF

Services intra-groupe et management fees : travaux du JTPF

 Le Forum Conjoint Européen sur les Prix de Transfert (EU Joint Transfer Pricing Forum JTPF) s’est réuni le 3 juin dernier pour réfléchir sur le développement d’une méthodologie de traitement des services intra-groupe.

Le projet de méthodologie vise uniquement les services intra-groupes à faible valeur ajoutée (service de routine) produits par une structure dite non basique.

Sont exclus : les services à haute valeur ajoutée, facteurs clef de succès, développement d’incorporels et autres activités entrepreneuriales ainsi que les services de routine implémentés par une structure basique.

Les accords de répartition de coût (Cost Contribution Arrangement : CCA) sont également exclus du scope. Leur étude est néanmoins au programme du JTPF.

 

Le document de travail de préparation de la réunion  (http://ec.europa.eu/taxation_customs/resources/documents/taxation/company_tax/transfer_pricing/forum/c_2011_16_fr.pdf) diffusé expose en premier lieu divers éléments de contexte qui devraient être présupposés. Le projet propose ainsi que la réalité des services intra-groupe habituels (listes de ces services en annexe du document de travail) soit présumé. Un tel postulat, s’il était admis, viendrait, en France, limiter les effets pervers de la jurisprudence récente du Conseil d’Etat en matière de charge de la preuve.

 

Il dresse ensuite une liste non exhaustive, mais passablement étoffée, des informations qui devraient être présentées à un auditeur :

  • Présentation de l’activité et de son impact en matière de services intra-groupe (par exemple : activité suscitant de nombreuses annulations de contrat)
  • Politique générale de prestation de au sein du groupe
  • Liens avec la politique de prix de transfert du groupe
  • Aperçu global de l’intérêt des différents types de services pour les bénéficiaires
  • Nature des services fournis et bénéficiaires
  • Présentation de la (ou des) structure(s) rendant les services
  • Description des mesures de contrôle interne de la centralisation des coûts
  • Précisions sur la centralisation de coûts
  • Justification du taux de marge appliqué ou de l’absence de mark-up au regard du principe de pleine concurrence (Arm’s Length Principle : ALP)
  • Description de la comptabilisation des services facturés (facturation, budget, règlement etc…)
  • Modalités de prise en compte, dans le système de gestion des services intra-groupes, des fusions acquisitions
  • Modalités d’intégration de nouveaux services dans ce système
  • Procédé de maintenance et de mise à jour du système
  • Etc…

 

Une partie importante de ces informations pourront ressortir de la convention de service intra-groupe. (un exemple de contrat justifiant cette affirmation est annexé au document de travail).

 

Le document apporte ensuite un éclairage sur des points particuliers

Il fournit notamment deux listes de services intra-groupes dont la réalité ne devrait pas être mise en doute par un auditeur.

Il suggère que la validation d’une centralisation de coût peut être faite soit par le test de quelques factures choisies de façon aléatoire, soit par une bonne description de la centralisation (règle de contrôle interne ; modalités d’identification des dépenses d’actionnaire ; rationnel d’intégration des coûts directs et indirects ; analyse des comptes de regroupement ; analyse de l’allocation des coûts ; réconciliation entre la centralisation des coûts et la répartition).

Dans ce cadre, une liste (non exhaustive) des dépenses d’actionnaires est proposée.

 

Le JTPF précise que si un auditeur peut légitimement attendre l’existence d’un chemin de révision permettant de retrouver l’origine d’une facture, il ne saurait exiger le détail des coûts en amont, dans la mesure où une telle information ne serait pas disponible si le service provenait d’un tiers.

 

S’agissant des clefs d’allocation, le document présente neuf clefs habituellement utilisées.

 

Concernant la marge à appliquer, le document de travail suggère qu’une absence de CUP ou un taux de marge manifestement élevé indique que le service analysé n’est pas un service de routine et ne rentre donc pas dans le cadre de la méthodologie proposée.

Il envisage cependant l’existence d’information préétablie permettant de justifier la marge appliquée dans la majorité des cas.

 

 

Si ce document de travail présente des points susceptibles de limiter le fardeau des entreprises en matière de justifications des management fees, certains considérations, notamment celle relative à la détermination d’un prix de pleine concurrence sur la base d’une CUP, semble en décalage avec la pratique.

En effet, de nombreux groupes se contentent d’appliquer un taux de marge standard (cost + 7% à 10% pour les services administratifs) sans recourir à des recherches de comparables. Et bien que, pour pratiquer l’euphémisme, la justification du mark-up au moyen d’études de comparables ne soit pas immédiate, l’administration conteste rarement le taux appliqué.

Dans ce cadre, associer à chacun des services intragroupes listés par le JTPF, une fourchette de marge acceptée par l’ensemble des administrations fiscales des Etats Membres de l’UE, semble être dans l’ordre du possible et permettrait assurément d’accroître la sécurité fiscale en Europe.

De l’intérêt de bien rédiger les contrats intra-groupes

Très fréquemment la mise en œuvre de politique d’une politique de prix de transfert nécessite des ajustements, mensuels, trimestriels ou de fin d’année. Ces ajustements sont notamment pratiqués quand les prix de transfert sont établis à partir de données prévisionnelles ou/et que la méthode utilisée est une méthode de marge nette.

Ainsi, lorsque qu’une politique prévoit l’attribution d’une marge nette de 2% pour la filiale de distribution, le prix de transfert ne peut être déterminé qu’à l’issue de l’exercice.

Dans l’intervalle, il aura fallu appliquer un prix de transfert aux marchandises facturées. Un ajustement devra donc être pratiqué pour parvenir à la marge nette attendue de 2%.

 Outre les problématiques douanières, la mécanique d’ajustement peut avoir des incidences fâcheuses.

Prenons le cas d’un groupe dont la politique consiste à attribuer à la filiale de distribution située en France, une rémunération nette (Méthode Transactionnelle de la Marge Nette). Les marchandises sont facturées tout au long de l’exercice pour leur prix de vente au client final. En fin d’année, le distributeur perçoit de son fournisseur une somme correspondante à ses charges d’exploitation assorties d’une marge proportionnelle au chiffre d’affaires.

Dans ce cas, à défaut de prendre soin de rédiger correctement le contrat entre le fournisseur et le distributeur, l’administration pourrait voir dans cet ajustement une subvention pour complément de prix. Subvention qui conformément à l’article. 266, 1-a du CGI, rentre dans la base d’imposition à la TVA des ventes aux clients finaux.

En effet, s’inspirant des critères dégagés par la CJCE (CJCE 22-11-2001 aff. 184/00 : RJF 2/02 n° 250 ; CJCE 15-7-2004 aff. 144/02, 381/01, 463/02 et 495/01 : RJF 11/04 n° 1214), l’administration a défini les « subventions directement liées au prix » comme celles répondant aux conditions cumulatives suivantes :

1) La subvention est versée par un tiers à celui qui réalise la livraison ou la prestation.

Au cas présent, elle est bien versée par un tiers (le fournisseur)

2) La subvention constitue la contrepartie totale ou partielle d’une livraison de biens ou d’une prestation de services. Le principe du versement de la subvention doit exister en droit ou en fait avant l’intervention du fait générateur des opérations dont elle constitue la contrepartie. En outre le prix du bien ou du service doit être déterminé, quant à son principe, au plus tard au moment du fait générateur. Il doit exister une relation entre la décision de la partie versante d’octroyer la subvention et la diminution des prix pratiqués par le bénéficiaire. Cette relation, qui résulte de l’intention des parties, doit apparaître de manière non équivoque au terme d’une analyse au cas par cas des circonstances qui sont à l’origine du versement de la subvention. Il n’est cependant pas nécessaire que le montant de la subvention corresponde strictement à la diminution du prix du bien ou du service. Il suffit que le rapport entre celle-ci et la subvention, qui peut présenter un caractère forfaitaire, soit significatif.

Au cas présent, si le contrat prévoit que la filiale perçoit un ajustement en fin d’année tenant compte du prix de vente des produits au client final, ce critère pourrait être regardé comme satisfait.

3) La subvention permet au client de payer un prix inférieur au prix du marché, ou, à défaut, au prix de revient.

Au cas particulier, si la société est en pénétration de marché, elle est susceptible de pratiquer des prix inférieurs à ceux de la concurrence. En outre, en tenant compte des frais accessoires (transport) le distributeur peut être amené à vendre ses produits pour un prix inférieur à leur prix de revient (marge brute négative).

Certains optimistes soutiendront qu’une telle analyse ne saurait prospérer. Néanmoins l’expérience montre à ce jour qu’elle prospère jusqu’au stade du précontentieux et ce après avoir conquis tous les niveaux de recours.

Certains pessimistes soutiendront quant à eux que l’administration pourrait aller plus loin en rectifiant également par la suite les prix de transfert, le rappel de TVA constituant une charge, le bénéfice devient insuffisant ! Une histoire sans fin puisque l’ajustement attendu serait également soumis à TVA, sans s’étendre sur l’incidence en taxe professionnelle (calcul de valeur ajoutée).

Mieux vaut prévenir que guérir.

Doubler l’expertise prix de transfert d’une expertise fiscale lors de la rédaction des contrats intra-groupe permettra de limiter les mauvaises surprises.