A ce jour (septembre 2008), il n’existe pas en France d’obligation de produire une documentation relative aux prix de transfert lors du dépôt de la déclaration de résultat de la société. Ce n’est que dans le cadre d’une vérification de comptabilité que l’entreprise doit être en mesure de justifier sa politique de prix de transfert.
Pour les entreprises, la portée de cette obligation est souvent floue : Que faut-il fournir ? Sous quel format ? Quelles sont les conséquences d’un défaut de présentation de documentation ?.
La prochaine Loi de Finances devrait remédier à tout ou partie de ces incertitudes et poser les règles d’une véritable obligation de documentation des prix de transfert.
Cette obligation de documentation ne doit cependant pas occulter l’intérêt propre que comporte pour l’entreprise la définition d’une politique de prix de transfert.
En effet, elle peut être l’occasion de mener une réflexion sur différents aspects de l’entreprise et le cas échéant de les corriger : tax planning, incorporels, ressources humaines.
En outre, appuyée d’une bonne documentation elle pourra permettre à l’entreprise de sécuriser sa situation fiscale en obtenant un accord préalable de prix (APP), bilatéral ou unilatéral (en France).
Aussi avant d’aborder la question des obligations en matière de documentation prix de transfert , il semble utile de suivre la démarche de définition d’une politique de prix de transfert laquelle s’accompagne de la constitution d’une documentation.
Première étape : détermination du périmètre des entités liées
En premier lieu, il convient d’identifier les entreprises liées.
D’une part c’est une exigence de l’administration (organigramme du groupe sur les exercices vérifiés) d’autre part c’est un préalable indispensable pour circonscrire le champ de la politique de prix de transfert. On ne peut sur ce point se contenter de définir les entreprises entre lesquelles il existe un flux direct. D’une part car les prix de transfert de transfert devraient être déterminés en fonctions de la place de l’entreprise au sein d’une chaîne de création de valeur, ce qui implique de définir quelles entités participent à cette chaîne, d’autre part car l’analyse prix de transfert vise aussi à mettre en évidence des flux manquants, notamment dans le cadre de mise à disposition ou de transfert d’incorporel.
Cette première étape est relativement aisée. Dans 90% des cas, les entreprises liées sont celles détenues directement ou indirectement par une même société mère.
Néanmoins, la co-détention par deux sociétés mères peut éventuellement poser un problème pour délimiter le périmètre des entités liées.
Cette première étape doit être également l’occasion de faire le point sur des entités extérieures au groupe. Celles susceptibles de bénéficier d’un régime fiscal privilégié et celles entretenant des relations économiques importantes avec le groupe.
En effet, dans le premier cas, l’administration est en droit d’opérer une rectification des prix de transfert sans établir de lien de dépendances. Il conviendra donc de réunir des éléments permettant de justifier l’indépendance et la normalité des prix pratiqués.
Dans le second cas l’administration pourrait considérer que les relations économiques sont telles qu’elles créent une relation de dépendance justifiant l’application de l’article 57 du CGI ou dans un autre pays une disposition équivalente. Une telle approche n’est cependant envisagée que dans des circonstances très particulières.
Cette étape pourra être associée à une revue des régimes fiscaux applicables pour les entités concernées.
Seconde étape : détermination des flux intra-groupe
La seconde étape vise à définir les transactions avec les entités liées.
Les contrats, les flux financiers, matières ou échanges intellectuels permettront de déterminer un premier périmètre.
Les flux financiers et matières sont les plus évidents, mais une réflexion doit également être menée sur les échanges d’informations. Ainsi, des visites récurrentes de sites industriels par des entités du groupe devrait conduire (et amènera un vérificateur…) à s’interroger sur un transfert de savoir-faire au sein du groupe, ne serait-ce que dans un but de protection.
Il est recommandé d’avoir, pour chaque transaction, un contrat à présenter à l’administration fiscale. Toutefois, ce contrat doit être rédigé avec précaution, compte tenu des incidences possibles dans d’autres domaines et notamment sur le plan fiscal (Activation des redevances, Taxe professionnelle, TVA, Droits d’enregistrement etc…)
A l’issue, un tableau des flux intra-groupes donnant notamment l’identité des entreprises impliquées au 1er niveau, le type de transaction (ex achat de tôles prédécoupées), le volume financier du flux (ex : montant des achats), la méthode de prix de transfert, etc…permettra de synthétiser les informations.
Troisième étape : l’analyse fonctionnelle
Elle consiste à déterminer, normalement pour chaque entité participant à la transaction, les fonctions et les risques assumés.
Cette analyse a un double objectif, classiquement elle vise à préparer le choix d’une méthode de détermination des prix de transfert et la recherche de comparables, mais elle doit également conduire à évaluer la juste répartition des profits ou des pertes réalisées par le groupe à raison de la transaction données.
Dans ce cadre, l’analyse fonctionnelle viendra compléter les informations provenant de l’analyse des flux. Elle réunira des informations des services opérationnels (qui fait quoi, quand, comment, combien, où, pourquoi ?) mais également des services financiers (quels coûts, quelle rentabilité pour chaque entité).
L’analyse des risques est classiquement associée à celle des fonctions. Néanmoins, une telle analyse à ce stade est peu évidente (qui supporte le risque client au sein d’un groupe ?). La technique consistant à transférer des risques par simples dispositions contractuelles a eu ses heures de gloire, mais actuellement les administrations fiscales semblent décidées à mettre tous les moyens en oeuvre (établissement stable, transfert d’incorporel, refus pur et simple, fraude à la loi, etc ) pour combattre ce type de pratique. L’OCDE est par ailleurs venue rappeler que sauf circonstances particulières, le risque incombe normalement à l’entreprise qui le gère.
Cependant, la politique de prix de transfert redistribue le risque entre les entreprises du groupe. Par exemple, si une entreprise est rémunérée en net cost plus sur données réelles (Cf fiche méthodes), elle est mécaniquement départie de tous risques financiers courants.
L’analyse des risques doit donc faire l’objet d’une démarche itérative : comment se répartissent les risques à priori, comment se répartissent les risques après application de la politique de prix de transfert, quels correctifs ou quelles conventions adopter pour prendre en compte cette situation ?
Un tableau d’analyse fonctionnelle, pourra être remis à l’administration. Il permet de visualiser la répartition des fonctions et des risques entre les entités. S’il n’est évidemment pas question de totaliser le nombre de croix par entité pour en déduire une clef de répartition des bénéfices, on veillera cependant à produire un tableau visuellement cohérent avec le propos.
Quatrième étape : le choix de la méthode.
Le choix de la méthode est vraisemblablement la partie la plus cruciale et la plus difficile de la détermination d’une politique de prix de transfert.
Trop souvent, les documentations prix de transfert se contentent de reprendre les recommandations de l’OCDE sans réussir à convaincre du bien fondée de la méthode retenue. Une telle présentation a souvent un effet contraire à celui souhaité, incitant l’administration fiscale à trouver une méthode adaptée.
Le choix de la méthode doit résulter de la conjonction de l’analyse fonctionnelle et des comparables disponibles.
Selon les recommandations OCDE, il convient normalement de descendre les méthodes une par une en partant de la plus directe pour s’arrêter à celle qui permet d’obtenir le résultat le plus fiable.
En pratique, il sera préférable de procéder de façon inverse, c’est à dire de commencer par la MTMN, puis de remonter vers les méthodes traditionnelles si les risques le justifient. Ainsi plus les résultats s’éloignent de ceux résultant des approches globales, plus la méthode de prix de transfert devra être solide. Bien entendu, si plusieurs méthodes conduisent aux résultats attendus, l’ensemble n’en sera que plus convaincant. Il est donc recommandé de tester toutes les méthodes.
Si on choisit directement une méthode (par exemple : le prix comparable sur le marché libre), il est recommandé de la tester avec une méthode de bénéfice (MTMN ou Répartition de profit). En fonction des résultats, on pourra renforcer la démonstration de la pertinence de la méthode ou pratiquer des ajustements.
Cinquième étape
La cinquième étape consiste à implémenter la méthode de prix de transfert définie comme étant la plus appropriée et à vérifier que les résultats obtenus sont conformes à ceux attendus.
Cette étape, qui peut nécessiter des modifications substantielles dans le système d’information, est également importante. De nombreuses entreprises construisent des politiques de prix de transfert reposant sur des données prévisionnelles. Lorsque ces données ne sont pas très fiables, ce qui peut être le cas notamment quand elles sont destinées utilisées à des fins commerciales, les résultats sont souvent incohérents.
Par exemple si un groupe applique la MTMN pour déterminer la rémunération de son d’une filiale de distribution, il devra pour l’appliquer au quotidien tirer des résultats de cette méthode un coefficient qui, appliqué sur les ventes donnera le prix intra-groupe. Or la structure de résultat sera rarement assez stable pour produire d’une année sur l’autre le même taux de marge nette à partir du même coefficient de conversion.
Plutôt que d’essayer de convaincre l’administration fiscale que cette situation reflète la pleine concurrence, il sera préférable de procéder régulièrement à des ajustements pour parvenir à la marge nette attendue.